L’intérêt des femmes (et parfois aussi des hommes) envers la beauté ne date pas d’hier, comme en témoignent les différentes petites anecdotes tirées de l’histoire de la Chine ancienne. Certes, on peut en sourire, mais à y réfléchir, les choses ont-elles tellement changé?
Dans l’histoire de Chine, Zhang Shang a été le premier homme à se voir intenter un procès à propos d’un maquillage.
En fait, ce procès recelait une différence appréciable par rapport à d’autres procès du même genre. En effet, l’accusé était un ministre important de la Cour impériale, il n’était pas un maquilleur professionnel.
Cette histoire s’est passée il y a plus de 2 000 ans à la Cour impériale de Chang’an (aujourd’hui Xi’an), capitale de la dynastie des Han de l’Ouest (206 av. J.-C. – 25).
Bien calé sur son trône, l’empereur Liu Xun, dit Xuandi, des Han de l’Ouest (91-49 av. J.-C.), écoutait des rapports adressés habituellement par certains de ses ministres.
Dans l’un de ces rapports, un fonctionnaire du Conseil de contrôle dénonça Zhang Shang en disant : « Une histoire galante, à l’effet que Zhang Shang
maquille sa femme, circule parmi les habitants de Chang’an. Regardez comme le jeune couple s’aime.
Cet acte intime humilie non seulement la civilisation de la nation, mais, en plus, il outrage les mœurs sociales et la dignité des manières d’un ministre. Dans ce contexte, je demande à l’empereur de punir ce coupable comme il se doit. »
L’empereur Liu Xun décida donc de faire sa propre enquête en demandant à Zhang Shang de lui dire ce qui se passait.
Zhang Shang répondit : « C’est exact que je farde ma femme. Pourtant, je ne pense pas que cela affecte la vie privée des gens et je crois que cela ne concerne pas les affaires de l’État. À ma connaissance, le nombre de secrets entre les époux est plus important que le maquillage de ma femme; alors, pourquoi ne dénonce-t-on jamais ce fait? Tous les époux devraient-ils être punis? » L’empereur Liu Xun comprit bien ces explications et décida de ne pas punir Zhang.
Liu Xun était l’arrière-petit-fils de Wudi (157-87 av. J.-C.), premier empereur des Han de l’Ouest. Après la mort de Wudi, Liu Xun fut impliqué dans une dispute pour le pouvoir impérial, ce qui l’amena, dès son jeune âge, à passer une vie misérable dans une famille de paysans. Avec l’aide de Huo Guang, grand général des Han de l’Ouest, il monta sur le trône à l’âge de 18 ans. Liu Xun était un homme qualifié.
Il prenait à cœur les souffrances et les préoccupations des masses; il édifiait le pays avec diligence et économie, sobriété et modération. Après 26 ans de règne, la dynastie des Han de l’Ouest était entrée dans une nouvelle étape historique.
L’empereur Liu Xun appréciait beaucoup les compétences de Zhang Shang ; il l’avait en haute estime.
De son côté, Zhang Shang ne trahissait pas la confiance de son maître. À plusieurs reprises, il assuma des fonctions importantes et accomplit des œuvres remarquables. Malheureusement, il ne monta jamais en grade.
Zhang Shang aimait passionnément sa jolie femme qui avait bonne réputation.
Cependant, dès sa tendre enfance, elle s’était blessée à un sourcil. Pour camoufler ce défaut qui portait atteinte à sa beauté d’ensemble, Zhang Shang maquillait sa femme.
Pour commémorer cette histoire d’un couple tellement épris l’un de l’autre, non seulement a-t-on composé l’idiotisme quadrisyllabique Zhang Shang Hua Mei (Zhang Shang dessine un sourcil pour sa femme), mais en plus, on l’a adapté au théâtre.
« Se maquiller avec soin »
Selon un proverbe chinois, Jinguo Burang Xumei (La femme peut tenir une comparaison avec l’homme). Jinguo fait référence aux ornements que portaient anciennement les femmes sur la tête, et Xumei, à la barbe et aux sourcils des hommes.
Une pratique de l’Antiquité demandait aux femmes de raser complètement leurs sourcils et de les remplacer par des sourcils tracés. C’est ainsi que les sourcils des hommes sont devenus un symbole précieux.
À l’époque des Han (206-220) et des Tang (618-907), les sourcils tracés étaient en vogue chez les femmes.
Les techniques, les matières colorantes et les styles étaient étroitement liés au type de visage et au statut social des femmes, particulièrement pour les jeunes.
Dessiner les sourcils peut remontrer à l’époque des Royaumes combattants (403-222 av. J.-C.), c’est-à-dire il y a plus de 2 400 ans. Cette pratique a été popularisée au début de l’époque des Han.
À cette époque, la belle Zhuo Wenjun était une femme fort séduisante. Ses sourcils ressemblaient à deux collines lointaines.
Le colorant noir qu’elle utilisait était complètement minéral, de bonne qualité et un prix élevé. En suivant l’exemple de Zhuo Wenjun, plusieurs femmes ne regardaient pas à la dépense pour acheter des colorants minéraux ou les remplaçaient par des encres et du charbon de bois.
Dans les livres historiques, on apprend que, pour varier les styles de maquillage, Li Longji (685-762), l’empereur Xuanzong des Tang, ordonna aux peintres de dresser un album sur les sourcils intitulé Shi Mei Tu (dix styles de sourcils pour les concubines de la Cour). Chaque style élégant de sourcils y était accompagné d’une légende poétique. En plus de ces dix styles de sourcils, il en existait encore d’autres fort caractéristiques : liuyemei (sourcils en forme de feuille de saule), guiyemei (sourcils en forme de feuille de laurier), etc. Les sourcils emei ou liuyemei (sourcils féminins arqués comme des antennes de papillon) sont toujours considérés comme des symboles de beauté. On disait que la concubine Yang Yuhuan (719-756), une favorite de l’empereur Xuanzong des Tang, se passionnait pour ce style de sourcils.
Le considérant comme un style standard, l’empereur Xuanzong voulut le laisser en exclusivité à sa favorite et décida de ne pas le faire inclure à l’album.
Prendre son maquillage très à cœur
Pin tou lun zu (chicaner sur tout) est un idiotisme quadrisyllabique. D’après la conception esthétique des ancêtres chinois, on devait souligner la figure, de même que les qualités et le tempérament. Cette conception traditionnelle demandait aux femmes de bien maquiller leur visage et leur tête d’abord, puis de bien soigner leurs pieds. Le maquillage devait révéler les traits du visage et faire ressortir la beauté intérieure de la femme. Parallèlement, la robe chinoise et les vêtements amples jouaient un rôle important pour bien «envelopper» le corps de la femme.
À l’époque des Tang, les soins féminins du visage comprenaient sept étapes :
1- se poudrer
2- se farder les joues de rouge
3- se mettre du jaune au front
4- tracer les sourcils
5- se mettre une touche de rouge minéral aux lèvres
6- se peindre les fossettes
7- coller du « huadian » (un ornement métallique).
Aujourd’hui, certaines femmes continuent à faire usage de ces méthodes anciennes.
On faisait usage du jaune au front durant les dynasties du Sud et du Nord (420-589).
Les femmes habitant les régions des ethnies minoritaires s’inspiraient du bouddhisme qui était en vogue à cette époque. Elles se mettaient du jaune au front, à l’imitation des statues dorées de bouddha. Au fil du temps, on s’est aperçu que ce type de maquillage a été adopté dans certaines pièces de théâtre. Le personnage tenant le rôle de l’immortel à du jaune au front.
Sa peau est enduite d’une préparation ocre jaunâtre qui projette des reflets d’or. Ses joues sont rehaussées d’ocre rouge. Les veines du buste et des tempes sont soulignées de bleu. Et comme le montrent de nombreuses représentations, les yeux sont toujours maquillés.
Le Huadian tire son origine de la dynastie du Sud, au Ve siècle.
Un jour, la princesse Shouyang était allongée sur le dos sous l’auvent d’un palais. À un certain moment, une fleur de prunier tomba sur son front et y laissa une belle marque de fleur. Des suivantes de la Cour imitèrent cette miraculeuse marque de fleur de la princesse Shouyang, et se firent faire, tour à tour, une telle marque avec un morceau de papier rouge. Cet ornement féminin a plus tard été en vogue, à l’époque de la dynastie des Tang.
Le dessin de prunier a évolué jusqu’à devenir un dessin d’éventail, de corne de bœuf ou de pêche. Le morceau de papier rouge a été remplacé par une écaille, une feuille d’or et une lamelle de mica. « La Cuidian » (un type d’émeraude) à une couleur éclatante. On la fabrique avec des plumes d’oiseau et la « yidian » (marque en forme d’aile) est une œuvre fort originale On choisit d’abord des ailes de libellule et on leur applique une couche de couleur agréable. Il ne reste alors qu’à les découper en motifs de fleur et à les coller au front. Les fossettes du menton de la femme ont toujours été considérées comme un attrait.
Ainsi, on s’est efforcé de trouver un type de maquillage pour réaliser des points rouges, d’abord aux deux côtés du menton, puis sur les deux joues. L’usage de cet ornement remonterait à l’Antiquité.
À la Cour impériale, les concubines ayant leurs règles faisant usage de cet ornement pour se démarquer. La miao xie hong (une marque rouge en forme de croissant) a été une nouvelle création de l’époque des Tang. À l’époque des Trois Royaumes (220-265), la concubine Xue Yelai était une favorite de Wendi des Wei. Une nuit, alors qu’elle s’approchait de Wendi qui lisait sous la lampe, sa tête heurta accidentellement le paravent; sa figure se couvrit alors de sang. La plaie se referma vraiment très vite et la cicatrice rendit cette femme encore plus belle.
Criant au miracle, les suivantes de Xue Yelai appliquèrent toutes du rouge sur leurs joues pour imiter celles de leur maîtresse.
Se faire un chignon était une autre façon de modifier son apparence. Anciennement, surtout après la dynastie des Han, les femmes aimaient généralement se faire un haut chignon.
Le haut chignon a été en vogue pendant plusieurs centaines d’années. À l’époque des Song (960-1279), le chignon fait en entrelaçant des bandelettes était très haut.
En ayant introduit de nouvelles modes venues des contrées de l’Ouest, la permanente et le chignon connurent une grande combinaison de formes.
En 2003, dans un tombeau ancien de la région autonome hui du Ningxia, on a découvert certains produits servant à rehausser la beauté, dont une boîte de poudre, une épingle à cheveux et un peigne en os.
En examinant leur qualité et leur artisanat d’art, on a vite constaté que leur niveau technique était déjà très avancé.
Reste à se demander ce qu’on dira, dans 2000 ans d’ici, des parures des femmes d’aujourd’hui…